JULIEN BROUSSOUS Éducateur spécialisé en libéral ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES
ET DES PROJETS INDIVIDUELS DE LEURS ENFANTS

Témoignage d'un père face à l'anxiété et aux crises de son adolescent en distanciel (Avignon).

Le premier élément qui m'a mené vers cette démarche de recherche d'un projet
éducatif pour mon fils Rémy est qu'il est très renfermé sur lui-même, il cherche
presque toujours à s'isoler, physiquement (dans sa chambre) et dans sa tête.
N'exprimant quasiment pas ses émotions, je dois deviner ce qu'il ressent, ce qu'il
pense, et choisir à sa place (vacances, vêtements…) avec bien sûr le risque de se
tromper, et je dois adopter un comportement envers lui qui n'est peut-être pas celui
qu'il faudrait avoir. N'allant pas vers les autres, c'est un cercle vicieux, car les autres
ne viennent pas non plus le chercher, et il n'y a donc jamais de rencontres avec les
copains en dehors du lycée.
Le deuxième élément déclencheur de cette démarche est son comportement par
rapport à moi et mon épouse. Rémy est dans l'opposition, le refus, voire le
mensonge éhonté. De ce fait, il obéit difficilement et respecte peu de règles. Il faut
trop souvent répéter plusieurs fois une demande pour qu'il obtempère, et souvent

en traînant les pieds et en manifestant son désaccord. Ceci est particulièrement
prégnant lorsqu'on doit l'extirper d'une activité dans laquelle il s'est plongé (la
plupart du temps jeux vidéo ou lecture de mangas), il refuse la frustration. Cette
opposition très systématique peut verser jusqu'à des accès de violence. Violences
verbales (gros mots, voire insultes), mais aussi physiques. Ces violences physiques
qui étaient des gestes de provocation comme par exemple des petites bousculades,
des coups d'épaule, ont pu devenir ces derniers mois plus démonstratifs et
dangereux au point de devoir le maîtriser en le ceinturant très fortement.
De là, de ce constat, les buts que je recherche dans cette démarche sont multiples.
Le premier, immédiat, est de savoir guider Rémy avec le bon comportement et les
bons mots dans cette phase compliquée de l'adolescence qu'il traverse. Ensuite
c'est de le responsabiliser, très concrètement, dans sa vie de tous les jours sur
toutes ces petites tâches -plus ou moins contraignantes la plupart du temps- mais
qui sont des incontournables : contribuer à la vie de la maison, aider, rendre service,
s'occuper de ses affaires personnelles (ranger et nettoyer sa chambre, s'occuper de
son linge). Grâce à çà il devrait gagner en confiance et en autonomie, puis devenir
plus sûr de lui. Alors il pourra s'ouvrir aux autres, aller à leur rencontre, s'y
confronter et se rencontrer lui-même. Ces buts multiples sont en fait les outils d'un
but unique : le faire grandir, le faire bien grandir

L’accompagnement est réalisé en distanciel, par visio-conférence. Outre la commodité logistique (pas de déplacements), ce mode permet à mon fils d’être dans son environnement, chez lui, et donc dans un cadre non stressant, non angoissant. Le contact avec l’éducateur a été aisé et mon fils a bien accroché, immédiatement. Langage direct (très direct) de l’éducateur, clair, sans ambages (rappel de la loi).
Nous avons pu, avec sa maman, essayer d’autres techniques, d’autres méthodes, ces dernières années (psychologue, puis pédo-psychiatre) qui n’avaient pas offert une telle qualité d’échange.
J’ai moi-même pris tout de suite une part active dans le projet éducatif grâce à cette méthode participative visant à réunir le système familial (qui est celui d’une famille recomposée). Les clés de compréhension du système permettent rapidement de cerner beaucoup de choses (différence pére/papa, la place du couple conjugal et celle du couple parental qui est validé par l’éducateur).
Dès les premières séances, des règles sont mises en place, concrètes (par exemple : le « zéro écran » stricte deux jours par semaine, jours que mon fils a choisi), elles sont imposées. Le principe hiérarchique est énoncé (le père choisit ce qui est bon pour l’enfant, ce dernier n’a pas le choix, même s’il est en droit d’exprimer son désaccord). Des objectifs réalistes sont discutés et agréés (par exemple : faire la cuisine au moins une fois par semaine). Lorsque ce cadre est posé, il ne faut pas être dans l’attente mais dans l’accueil, et ne pas avoir peur des affrontements qui fatalement se produiront parfois. Si des règles ou le principe hiérarchique n’est pas respecté, des sanctions proportionnées sont données. Le processus n’est pas linéaire, il faut accepter qu’il puisse y avoir quelques régressions, conflits ou désaccords mais en restant dans le cadre défini. On peut également se tromper (ne pas agir comme il faudrait) il faut alors s’excuser de ses erreurs, en parler et avancer. Enfin, les progrès significatifs sont à valoriser, et tout celà doit se faire dans le dialogue, la communication.
Mon fils est aujourd’hui beaucoup moins dans le refus d’obéir, ne tergiverse plus (ou très peu) lorsqu’il doit faire quelque chose qui a été prévu dans le cadre. La méthode a donné des résultats rapides, dès les premières semaines en fait pour ce qui est des tâches imposées (par exemple s’occuper de son linge une fois par semaine). Ceci a pu être constaté également dans le contact est les autres jeunes de son âge (invitation à un anniversaire, ou deux colonies de vacances pour l’été, dont une qu’il a cherché et choisi lui-même). Après presque 3 mois de projet, on consolide les bases établies pour travailler ensuite l’habileté sociale, pour une meilleure intégration en société.
Avant le début de ce travail, je ne voyais dans mon rôle de père que les problèmes, j’appréhendais toujours les réactions (ou non-réactions) de mon fils et je me contorsionnais donc quelque peu pour éviter à tout prix les conflits.  Depuis le démarrage de ce projet éducatif, le fait d’avoir une boîte à outils et une feuille de route m’a tout de suite permis de me déstresser, avant même les premiers résultats tangibles. D’autre part, certaines postures régressives de la part de mon fils que je pouvais encore trouver « mignonnes » ne m’amusent en fait plus du tout, je souhaite ardemment qu’il les abandonne pour passer à autre chose. L’horizon s’éclaircit, et je me sens progressivement plus sûr de moi dans ma parentalité.