JULIEN BROUSSOUS Éducateur spécialisé en libéral ACADEMIE DES PARENTS SOIGNANTS PATERNANTS
Accompagnement éducatif et soin des familles

Adoption

L’adoption est une étape importante dans la vie de parents et des enfants adoptés:

Méthode et parcours de soin FAEVA

(Famille, Adoption, Enfance, Violence, Adolescence)

Il est essentiel que cet accueil soit préparé d’une façon adaptée et de bien comprendre les conséquences d’une telle démarche au niveau éducatif, systémique, psychopathologique et inconscient.

Mon expérience personnelle m’a amené à vivre l’adoption. En effet, je suis né en Inde à Visakapatnam et j’ai été adopté en France à l’âge de 4 ans au sein d’une famille dans le département du Gard.

Mon évolution professionnelle dans l’accompagnement de personnes en difficulté m’a permis de développer des connaissances et compétences d’un point de vue de l’accompagnement et du soin aux familles.

C’est pourquoi depuis 2010, j’accompagne dans leur projet de vie des familles, des enfants, des adolescents et des adultes qui ont vécu l’adoption.

J’ai proposé pour mon troisième ouvrage un projet de co-écriture avec des patients adoptés et des parents adoptants (sortie prévue en 2025).

Extrait de la conclusion de l’ouvrage: « L’adoption de la fin des fantasmes à l’espoir »

Après ces quelques réflexions que ce groupe de travail vous a partagé sur l'adoption à travers leurs expériences, ce sujet ne sera plus perçu certainement de la même manière. Les informations par les nombreux témoignages et les éclairages cliniques ont amené un ensoleillement sur l'un des versants sombres de ce pic montagneux. Nous sommes tous des randonneurs cultivant en altitude l'espoir en chacun de nous et à sa manière. Je ne doute pas que d'autres expériences viendront encore compléter cet obélisque que nous avons tous essayé d'ériger sur l'un des plateaux de cette montagne afin qu'il soit observable par tous au loin. Nous y sommes arrivés enfin pour contempler ensemble une nouvelle vue sur la prise en soin des familles adoptantes avec le parcours de soin FAEVA. 

Marcher avec sécurité est essentiel dans la vie surtout sur le plan psychique. C'est en se défaisant des attaches inconscientes aliénantes cultivées dans les schémas archaïques que la progression subjective, familiale et collective est permise.

Ce parcours de soin n'est pas seulement une clinique des familles dans l'actualité mais bien une résonance qui a pour ambition de perdurer à travers les générations lorsque les parents seront à leur tour rappelés par la vie elle-même. 

L'émancipation est signe d'indépendance sur de nombreux plans et aussi signe d'espoir au-delà de ses propres fantasmes et croyances limitantes. 

Résister à ses mouvements névrotiques inconscients est une façon de ne pas sombrer dans la reproduction transgénérationnelle maltraitante. Se libérer en tant que parents adoptant pour libérer les sujets adoptés, tel est l'enjeu clinique de ce parcours humain et de soin FAEVA transmis dans cet ouvrage.

Christian

Le travail accompli depuis pour toutes et tous , embarqués que nous sommes depuis cet esquif en compagnie du capitaine qui, lui, sait les tempêtes que nous traversons parce qu’il s’est déjà trouvé face à des déferlantes, ce que nous avons découvert peu à peu au cours de nos échanges.

Après une inquiétude personnelle liée à la crainte d’en être une imposture vient la rassurance ,après les rencontres avec les autres et nos échanges respectifs sur ces mêmes questionnements.

Il semble que l’auteur nous a trouvés pertinents à déposer nos situations et nos problématiques éclairées désormais d’un autre rayon de clarté.

L’image qui me vient ce matin est celle que j’ai évoquée en séance hier et symbolise , en résumé

la situation qui est la nôtre face à l’ouvrage; celle d’un groupe jouant au tirage de corde comme on le pratiquait à la petite école. Mais, en face, point d’adversité mais au bout de la corde, la lourde porte de nos inconscients collectifs qui nous donnent à voir nos situations non pas comme on les sublimeraient mais comme elles nous apparaissent réellement. A nous de nous en saisir de la meilleure des manières, équipés que nous sommes d’un  » décodeur  » plus éclairant grâce à l'expertise de Julien. 

Et , puissent les futur(es) lectrices et lecteurs y puiser une “réflexion “à la parentalité qui nous a nourri tout au long de ce périple , mais pas seulement à l’égard d'adoptants et adoptés mais à tous les parents au sens le plus large ! 

–L’expérience par la méthode F.A.E.V.A __

Julien -Yesu

Je ne sais pas comment le prendront les premiers lecteurs mais je suis déjà fier de ce groupe de travail et d'un certain accomplissement réalisé ensemble.

Comme un aboutissement personnel signifiant tout le parcours entrepris ces dernières années en soin et en recherche personnelle pour répondre à cette seule question qui m'a hanté toute mon existence: qui suis-je?

Je me rappelle ce faux self qui m'a accompagné toute ma vie jusqu'à ces dernières années pour pouvoir aujourd'hui le retirer sans crainte, sans masque pour exister face au monde tel que je suis avec mon histoire personnelle et familiale sans sentiments de honte.

A la fois une fierté et une déception. Fierté d'être l'homme et le professionnel pour tous les parents et patients qui me sollicitent sur la France. Fier d'avoir cru en moi comme une force intérieure sans relâche. Fierté d'avoir la paix que j'ai tant recherchée et que nul ne savait.

Déception que le principe de réalité soit tel qu'il est avec mes parents adoptifs, mon frère et ma sœur n'ayant presque plus de lien avec eux. Ce n'est pas ce que je souhaitais avoir une famille désunie vivant dans leur carcan fantastique et pathologique. Je suis devenu davantage conscient.

Je peux maintenant observer tout mon parcours et suffisamment en sécurité pour voyager dans le monde, retourner là où je suis né et vivre dans mon pays d'adoption.

Je peux dire que j'ai accompli mes rêves de savoir qui je suis, allé dans ma ville de naissance, allé au taj mahal, voyager seul et être devenu un clinicien avec ma singularité adoptive pour les familles.

Un parcours incroyable une fois que j'ai désiré sortir de mes fantasmes infantiles et familiaux emprisonnants.

Je peux remercier les psychologues qui m'ont accompagné en analyse et les autres thérapeutes. J'ai retrouvé mon chemin, à présent pas celui que j'aurai imaginé. Celui que mon inconscient a désiré. J'ai juste suivi sa direction inconsciemment puisque comme le dit J. Lacan nous sommes les sujets de notre inconscient. 

Juste incroyable aussi de proposer cet ouvrage avec des familles et patients que j'accompagne avec qui nous nous sommes mutuellement soutenus dans ce projet. Je ne peux que les remercier de leur compassion et considération à mon égard. Parfois le chemin nous amène vers de belles rencontres et pour cela il faut continuer à cultiver le lâcher prise et oser. Depuis ma jeunesse, j'ai toujours senti que j'avais une bonne étoile, une sensation intime d'être guidé quelque part ou protégé dans tous les moments de mon existence. 

Vraiment extraordinaire la vie, je peux en témoigner si l'on croit en soi, en ses désirs et ses rêves. Et je ne doute pas que de nouvelles aventures vont se poursuivre.  Le réel de la vie est surprenant. Je ne peux que rendre grâce et remercier la vie en moi en tant que pulsion de vie et hors de moi qui semble être là en permanence. Je crois que c'est ce qu'on peut nommer l'éternité de notre vivant en tant que flux continu qui nous traverse. 

Solange 

Rien qu’une co-écriture entre adoptants et adoptés, qui demande déjà une grande considération mutuelle,  c’est déjà immense .

Et qui en plus aboutit à ce que chacun progresse , se dévoile , apprenne à oser, se soigne  et finalement à ce que l’auteur parle d’un aboutissement personnel de tout un chemin de vie !

C’est juste incroyable et surtout merveilleux !

Personnellement c’est bien un appel à la vie que suscite en moi ce travail effectué tous ensemble.

Quelque chose se tisse , se crée , se met en lien qui va bien au-delà de cet ouvrage.

Je me permets de m’adresser à vous chers lecteurs, parents, adoptés, professionnels, à qui est dédié ce travail de groupe. 

La méthode FAEVA dont l'un des aspects est la fonction paternante se situe complètement à contre-courant du mode d’éducation et de soin de notre société actuelle qui recommande la surprotection, la bienveillance à outrance et le plaisir avant tout. 

Nous avons cette chance d'être accompagné par le parcours de soin FAEVA et nous nous demandons maintenant comment participer à témoigner, au delà de l'ouvrage , afin que d'autres professionnels du soin , puissent s'inspirer de cette méthode , s'en emparer à leur façon et à leur tour créer, expérimenter, oser , pour répondre aux besoins des familles dans la souffrance. 

Puissiez vous en fermant cet ouvrage, laisser s’ouvrir un sillon en vous, en toute confiance,  pour y déposer quelques graines de nos écrits, juste pour expérimenter ce qu'elles peuvent provoquer en vous, dans un avenir proche ou plus lointain.

Je vous souhaite sincèrement d’avoir la possibilité de vous remettre en cause, d’oser voir vos parts de responsabilité et de croire en vos ressources intérieures pour les transformer.

L’impossible existe et peut se dépasser pour connaître l’espérance. Cet ouvrage est la preuve vivante de cette réalité qui laisse place au merveilleux du quotidien que l'on ne pouvait voir.

Laurence

Nous y voilà à la fin de cette co-écriture. Je n'ai pas vu le temps passer. Je me souviens de notre première rencontre en distanciel. Je m'étais sentie comme avant une rentrée de classe : nerveuse, excitée, un peu craintive, sans trop savoir ce qui m'attendait. Puis, nous nous sommes présentés, nous avons appris à nous connaître, nous avons découvert nos histoires respectives. Je suis admirative de vous tous, de votre parcours, de votre résilience, de votre courage et de votre détermination. 

Que de beaux moments de partages, d'échanges mais aussi d'émotions. A la lecture de vos témoignages, j'ai souvent eu les larmes aux yeux. Pour reprendre une phrase que j'affectionne : “tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin”. Merci à Julien d'avoir permis cette aventure, merci à vous tous de vous être ouverts dans la sincérité et la bienveillance. 

Tout au long de ce projet de co-écriture, j'ai beaucoup appris, j'ai grandi, j'ai commencé une guérison de mes blessures, de mes traumatismes. J'espère et je crois sincèrement que tous nos témoignages écrits avec le cœur, associés aux éléments cliniques, pourront être une aide, une lumière, un espoir pour d'autres. 

Anne

Un travail étonnant et surprenant. une découverte de soi des autres et une redécouverte de notre histoire. Beaucoup de souffrance et de colère à travers tous ces témoignages et je l'espère aussi beaucoup d'amour, d'espoir ou à défaut d'empathie et de sérénité.

Merci à tous.

Ce que cela m'inspire: il me semble que de partager nos histoires nous a fait du bien à tous. Est-ce que des ateliers parentaux en visio pourraient être une bonne idée dans la prise en charge et le soutien des familles?

Antoine

Cet ouvrage est une belle aventure humaine, qui j’espère, permettra à des parents de prendre leurs justes places pour faire « grandir » leurs enfants et aux soignants concernés de prendre la mesure de leurs rôles :  guider une partie de notre société vers la sérénité que permettent des familles structurées et épanouies.


Les parents qui me contactent en couple, en solo, hétéro ou homosexuel se trouvent face au mur de leur impossibilité psychique et systémique. En effet, la problématique de l’adoption n’est pas à prendre à la légère en fonction de l’âge des enfants, du lien d’attachement et de détachement avec leur pays d’origine, la rencontre avec leurs parents avec ou sans rejet et toutes les mouvements et les résistances au niveau inconscient qui se jouent.

Mon travail est bien d’accueillir les enfants et les parents sans jugement. La situation de l’adoption est spécifique donc le soin que j’y apporte est singulier en fonction de chaque parcours de vie. Lorsque les crises apparaissent entre les enfants adoptés et les parents adoptifs il est nécessaire de faire appel à un tiers extérieur séparateur qui revient mettre de la distance et de la clarté dans chacune des places au sein de la famille et de la fratrie.

J’accompagne la famille dans son ensemble en tenant compte de chaque souffrance, des fantasmes des parents et des enfants, et des résistances inconscientes de chacun afin d’accompagner les transformations dans les relations familiales. C’est un chemin de croix pour de nombreux parents que seuls connaissent les parents adoptant. Une place parfois difficile pour certains enfants car ils n’ont pas fait suffisamment la paix en eux avec leur propre histoire. Le travail spécifique d’accompagnement en tant que psychanalyste , éducateur et thérapeute me permet d’aborder toutes ces réalités avec bienveillance et bientraitance en fonction de chaque situation singulière.

A ce jour, j’accompagne des familles en visio sur toute la France (Bretagne, Toulouse, Paris, Marseille, Montpellier, Nîmes, …)

POSTFACE DE L’OUVRAGE:

Même si nous ne l'avons pas vécue personnellement, la question de l'adoption nous touche et nous concerne en tant que sujet. Nous avons pu également être interrogés par cette problématique dans notre entourage ou à titre professionnel.

Qu'en est-il des parents adoptants ? Pour la majorité des parents (« adoptants » mais aussi « non-adoptants »), le désir est – heureusement – de bien faire, qui se mue parfois en un « trop bien faire » étouffant pour leur enfant. Winnicott avançait que l'on se trompe toujours en tant que parent. Il ajoutait : « et tant mieux », car le « parent parfait » n'existe pas. Cependant, tout parent peut être conduit un jour ou l'autre à être confronté à ce qu'il vit, à ce qu'il ressent, et incité à interroger sa posture lorsque « ça coince » ou lorsque les conflits deviennent difficiles à supporter. Nous devons tous faire avec notre propre histoire et avec ce que nous en avons fait. Nous nous sommes construit des mécanismes de défense et des symptômes pour lutter contre nos propres angoisses. Le conflit avec un de nos enfants, que ce conflit s'exprime dans la violence ou par la fuite de celui-ci, réveille en nous ce que nous avons tenté d'enfouir ou de surmonter. Lorsque la situation nous apparaît comme insurmontable avec nos propres ressources, il arrive que nous éprouvions le besoin de nous faire aider. En tant qu'adulte ou déjà parent biologique d'autres enfants, adopter un enfant est porté par le désir de donner à celui-ci de l'amour et les meilleures conditions possibles pour qu'il se sente bien, heureux, et pour qu'il construise sa vie du mieux possible. Toutefois, force est de constater que l'amour ne suffit pas. Les parents-adoptants qui ont accepté de témoigner dans cet ouvrage se sont trouvés confrontés à des difficultés qu'ils n'avaient pas imaginées au départ. 

En tant que lectrice, j'ai pu constater à quel point le dispositif FAEVA dans lequel ils se sont engagés, leur a permis, en premier lieu, de repérer, d'accepter et de dépasser un certain nombre de fantasmes qui étaient sous-jacents à leur démarche d'adoption. Qu'est-ce qui peut pousser un adulte à désirer adopter un enfant ? Les hypothèses sont multiples, toujours singulières pour chaque sujet, car chacun des parents, dans un couple, peut être habité par des motivations, des représentations imaginaires différentes dont il n'a pas toujours conscience, et il apparaît particulièrement important de pouvoir repérer celles-ci avant même de se lancer dans les procédures d'adoption. Entreprendre une démarche d'adoption, ce peut être aussi, dans un couple, accepter et se ranger au désir du conjoint ? Être au clair avec soi-même, reconnaître ce qui nous habite, constitue en effet une des conditions minima pour ne pas faire porter ensuite le poids de ces fantasmes plus ou moins inconscients à l'enfant qui va être accueilli puis accompagné, et de plus, pour pouvoir réajuster rapidement sa posture lorsque des difficultés vont émerger au gré des évènements du quotidien, mais aussi au cours de l'évolution de cet enfant. 

Sans prétendre être exhaustif, qu'est-ce que ce travail sur soi peut mettre en évidence ? Ce peut-être le besoin de réparer sa propre histoire personnelle ou familiale, ses manques, de combler un vide, une perte, de construire quelque chose de valorisant avec son conjoint, de s'identifier à des modèles qui ont provoqué notre admiration… Ce peut être aussi le fantasme du sauveur à l'égard de l'enfant ou de la société, un fantasme de maîtrise et de rivalité inconsciente à l'égard de la famille d'origine de l'enfant en étant « meilleur parent ». 

Ces hypothèses, et d'autres, peuvent être en lien avec un désir de réparer son estime de soi et son narcissisme, la confiance en ses capacités, mais peut faire également émerger l'angoisse de « ne pas être à la hauteur ». Au cours de l'histoire de cette famille adoptante, des conflits répétés avec l'enfant ou l'adolescent, sa fuite ou ses refus peuvent réveiller chez les parents, mais également chez leurs enfants, ce qui était inconscient et enfoui, faire émerger des pulsions mortifères. La situation peut devenir insupportable, jusqu'à ce que ces parents doutent d'eux-mêmes, soient confrontés à une grande impuissance, au découragement, et poussés par des désirs de rejet. Un certain nombre d'entre eux ressent un besoin d'aide, dans l'urgence. 

Dans cet ouvrage, ces parents adoptants ont pu témoigner du travail de repérage qu'ils ont accompli sur eux-mêmes.Ce dispositif FAEVA leur a permis également de mieux comprendre ce qui était en jeu dans leur relation avec l'enfant ou l'adolescent, d'assumer leur posture et leurs fonctions parentales et symboliques à part entière, d'accepter progressivement les contraintes diverses et leurs propres limites. Il leur a permis de repartir sur de nouvelles bases. À partir de ces témoignages alimentés par le désir de partager leur expérience avec d'autres parents adoptants, d'être utiles pour ceux-ci dans un objectif de prévention, nous assistons, tout au long de cette lecture très riche, au cheminement singulier de chacun de ces parents, de ces enfants ou adolescents, de l'ensemble de la famille, mais aussi, dans certaines situations, à celui de leur couple mis à mal par les difficultés rencontrées. C'est ce qui les a poussés à consulter, mais nous devons nous interroger : un suivi plus régulier de leur parcours aurait-il permis d'éviter certaines situations extrêmes, y compris la nécessité, parfois, d'un placement de l'adolescent ?

Que se passe-t-il du côté de l'enfant adopté ? Il est avant tout un enfant et nous devons nous interroger : Que se passe-t-il du côté de tout enfant ? Dès les premiers moments de notre vie, notre corps a inscrit notre histoire, en deçà des mots. Nous sommes tous des « laissés tombés » du ventre de notre mère. Freud, le premier, a situé la naissance comme un traumatisme et la première source d'angoisse pour l'enfant. Une deuxième source d'angoisse va naître d'une insatisfaction. Le nourrisson attend de sa mère qu'elle comble ses besoins sans délai. Or, il est confronté inévitablement et nécessairement à la présence-absence de cette mère, et celle-ci ne peut, de plus, répondre à tous ses besoins. Cette perte, ce manque, inscrits dans le corps, en absence de paroles pour les nommer, constituent la source d'une angoisse latente dans l'inconscient, mais c'est également ce qui ouvrira la porte au désir, dans une tentative toujours renouvelée et ratée de combler ce manque.

Cette angoisse originaire peut cependant émerger comme un signal de danger, traverser le sujet, le pousser à un passage à l'acte, le sidérer ou bien se transformer en symptôme, lequel va se répéter dans l'espoir d'être entendu, lorsque l'enfant, l'adolescent ou l'adulte est confronté dans la relation au désir de l'Autre, dans des situations où la dimension du rapport à l'Autre est dominante (la mère, le père, mais aussi tout adulte de son entourage proche comme les enseignants, les professionnels du social et du soin, puis son cercle professionnel ou amical, etc.). N'oublions pas que le mot violence vient de bios, la vie. L'explosion agressive, à chaud, attaque les liens à l'autre, tout en étant en quête de cet autre, lorsque l'insécurité intérieure est trop forte. L'enfant rejouerait alors l'expérience destructrice comme une mise à l'épreuve, dans l'espoir inconscient que le lien survive, que l'autre ne s'effondre pas ou ne le rejette pas. Cette agression sera souvent suivie de moments de consolation comme pour réparer le lien, se faire accepter et vérifier que l'autre tient à lui.

Qu'en est-il lorsque le sujet subit très tôt des ruptures souvent brutales, toujours douloureuses, traumatiques ? Qu'en est-il lorsque cette séparation concerne non seulement son supposé « cocon familial », mais aussi son pays, sa culture, sa langue maternelle ? Comment recoller les morceaux d'une telle division au plus profond de son être ? Ce qui est inscrit ainsi est latent dans l'inconscient du sujet mais peut resurgir à tout moment, y compris violemment, engendrant de la souffrance, compromettant alors tout ce qui a été mis en œuvre et l'équilibre de la famille, comme ces parents en témoignent. L'hypothèse est posée que ces traces et ce passé doivent être acceptées, reconnues par l'ensemble de la famille, devenir accessibles, pour que l'enfant ou l'adolescent se trouve lui-même ou se re-construise en tant que sujet non clivé qui intègre l'ensemble de son histoire, sujet de son désir et de sa parole. Winnicott nomme « tendance antisociale », la conséquence d'un lien positif qu'on aurait retiré à l'enfant prématurément (la perte d'un parent, réelle ou symbolique), ce qui a créé un désespoir traumatique. La situation sera d'autant plus rejouée et répétée que l'enfant a mal vécu la perte du lien initial avec le parent qu'il a ressenti comme « abandonnant ». 

Lorsque cet abandon a correspondu à une réalité, un sentiment de culpabilité latent et de honte habite l'enfant : « Qu'est-ce que j'ai fait pour qu'on ne veuille plus de moi ? » « J'ai été abandonné parce que je suis nul. J'ai été jeté comme un déchet ». Commettre un acte violent, c'est parfois chercher à se faire punir pour apaiser ce sentiment – inconscient – de culpabilité primaire proche de la honte de soi, source d'un manque de confiance en soi. Une autre piste serait que l'enfant refuse de répondre et de combler les besoins infantiles des parents adoptants, lorsque les fantasmes de ceux-ci les renvoient à un besoin de réparation de leurs manques affectifs, parfois en lien avec leur propre vécu d'abandon. 

Ceci met en évidence comment le fonctionnement parental peut induire le comportement de l'enfant dans la relation, mais aussi à quel point il est important pour chaque partenaire de la famille, parents et enfant, de mettre au travail ce qui l'habite, le traverse, le fait agir, et, parfois, le met à mal, au point de mettre en danger la relation qui s'est instaurée, relation qui doit être « suffisamment bonne » pour apporter son lot de contenance et de sécurité à chacun. 

L'auteur de ce livre, Julien-Yesu, éducateur spécialisé, thérapeute, psychanalyste, lui-même enfant adopté, a réalisé ce parcours. Il en témoigne, et ce cheminement personnel constitue une richesse qu'il a complétée par ses diverses formations, pour accompagner ces parents, ces enfants et ces adolescents, au plus près des problématiques de chacun et de l'ensemble familial qu'ils constituent. Ces témoignages, étayés par des éclairages théoriques et cliniques, la complexité de chaque situation mais aussi sa singularité, mettent en évidence l'importance de disposer pour ces parents d'un accompagnement dès leur projet d'adoption, puis d'un suivi bienveillant, à l'écoute, professionnel, qui dure dans le temps, pour chacun des membres de la famille.

Cet ouvrage souligne également l'importance de savoir à qui faire appel lorsque des difficultés apparaissent au niveau de l'ensemble familial, du couple, et pour chacun de ses membres. Les métiers de l'aide, de l'éducation, du social, du soin, doivent s'interroger sans cesse, ne pas être figés dans des dispositifs clivés et établis une fois pour toutes. Confrontés aux difficultés des sujets qu'ils accompagnent et à la complexité des situations, les professionnels se doivent d'être créatifs, au plus près des besoins de ces sujets. Dans une société qui veut nous imposer de plus en plus de protocoles et de réponses toutes faites, une société qui privilégie la rapidité, l'efficacité et la rentabilité, une société qui considère chaque sujet comme un client de la consommation, le professionnel doit s'interroger sans cesse et rester créatif pour sauvegarder le sens de son métier, son éthique et ses valeurs professionnelles.

« L'homme est un être social » déclarait Henri Wallon. Il est ainsi inscrit, depuis sa naissance, dans une famille, une culture, une société, et il doit se construire en tant que sujet de sa parole et de son désir, y compris lorsqu'il a vécu ensuite dans une autre famille, une autre culture, une autre société. Il s'agit bien, comme en témoigne cet ouvrage, de mettre en œuvre une aide pertinente et ajustée à chaque situation afin de prendre en compte ces différentes dimensions. L'urgence empêche de penser. Il apparaît fondamental de privilégier la prévention en accompagnant ces familles dans la durée, sans attendre que les situations explosent avec leur lot de souffrance et de traces mortifères qui vont s'inscrire en chacun des protagonistes de la situation.

Souhaitons que ceci soit entendu et que d'autres professionnels de l'accompagnement et du soin désirent s'engager dans une telle démarche !

Jeannine Duval Héraudet, Psychopédagogue, formatrice, superviseure, Docteur en Sciences de l'Éducation, membre de l'@psychanalyse.


Vidéo réalisée par Julien BROUSSOUS auprès de ses parents adoptifs

Projet Slam de poésie « l'adopté » avec un jeune « Rna boy » et Julien en 2021